Bernard Antony
Fondateur de Chrétienté-Solidarité,
Directeur de la revue Reconquête
Communique :
On a certes pu se réjouir samedi dernier de ce que, dans son sermon à Marseille, François, en évoquant plusieurs fois notre pays, ait quelque peu corrigé son insistance initiale sur le fait qu’il ne viendrait pas en France mais à Marseille ! Peut-être a-t-il pu, durant son bref séjour, tout de même peser que Marseille c’était encore la France et que c’était bien l’État français qui assurait sa sécurité.
On a pu aussi se réjouir de ce qu’il ait clairement rappelé la doctrine catholique et la loi naturelle sur le respect de la vie en martelant qu’on ne saurait « jouer » avec cela. Comme le font, hélas, la plupart des États modernes acquis à la culture de mort par la suppression du droit de naître pour les petits enfants avortés, et par les pratiques d’euthanasie ou de suicides assistés comme cela est à l’ordre du jour du gouvernement Macron.
Mais, c’est surtout l’injonction du devoir pour les nations européennes de favoriser les migrations que François a sans cesse asséné au long de ses prises de parole. Or, comme l’a rappelé ce mardi dans Le Figaro, le philosophe Pierre Manent, ce pape n’a pas fait « la distinction entre le devoir de secourir qui est en effet inconditionnel et l’obligation de recevoir dans la citoyenneté qui ne saurait avoir le même caractère ». Ce dernier ajoute : « On est frappé par la légèreté avec laquelle le pape François considère les attachements humains ». Et d’évoquer « les familles, les cités, les nations, les formes de vie » dans lesquelles les hommes grandissent et reçoivent leur éducation.
Et Manent d’observer : « La civilisation que le pape François déclare possible et veut passionnément nous rendre désirable concerne principalement les nations européennes. C’est elles qu’il invite à disparaître pour devenir meilleures. Ni la Chine, ni la Russie, ni l’Inde, ni les pays musulmans ne sont concernés par ses appels ».
On a donc pu être très légitimement attristé de ce que François n’ait guère évoqué les chrétientés actuellement en voie d’engloutissement. Il a certes mentionné, en deux mots, le martyre de l’Ukraine, rattrapant ainsi la bévue de ses propos en vidéoconférence adressé récemment à de jeunes catholiques de Saint-Pétersbourg. Rappelons qu’il y a non seulement environ six millions de catholiques en Ukraine (Uniates) mais encore une majorité de chrétiens orthodoxes constitués en église désormais indépendante de l’église étatique russe, celle du triste patriarche Kyrille, ancien officier du KGB comme son grand ami Poutine.
François invite en fait les nations européennes à disparaître pour devenir meilleures en se fondant dans la « civilisation nouvelle » qu’il appelle de ses vœux sans toutefois la décrire.
Or, outre l’Ukraine que les fanatiques stalino-poutinistes sur les médias russes vouent inlassablement à un nouveau génocide, c’est la plus ancienne chrétienté de l’histoire qui est, en ce moment, menacée d’un engloutissement génocidaire. Après le génocide perpétré par les Turcs des Arméniens et autres chrétiens dans les années 1915, c’est maintenant au petit reste de l’Arménie que s’attaque l’Azerbaïdjan musulman lié à la Turquie. Au moment où le pape était à Marseille, riche d’une grande diaspora arménienne, les résistants de la petite enclave du Haut-Karabagh – le plus ancien territoire arménien de l’histoire – devait accepter une triste reddition après la mort au combat ou dans des premiers massacres, de deux cents des leurs.
Et plane maintenant le spectre d’un parachèvement du génocide de 1915 sur toute l’Arménie actuelle que vise à terme le bloc islamique turco-azéri trente fois plus peuplé et cent fois plus armé. Après la quasi-liquidation de la chrétienté irakienne, ce sera encore une immense tragédie humaine, religieuse, civilisationnelle qui raréfiera le christianisme en Orient. Un engloutissement pire encore que toutes les noyades de la Méditerranée.
Mais pourquoi François n’a-t-il donc pas évoqué cela à Marseille, pas plus qu’il n’a appelé celles des puissances arabes méditerranéennes aussi, et non sans moyens étatiques, comme l’Égypte, à en finir avec les modernes esclavagistes, trafiquants et passeurs de migrants ?
Serait-ce parce qu’il ne faut jamais interpeller l’islam ? Quitte à laisser sans mot dire les Turcs et les Azéris parachever en une deuxième étape le génocide arménien ?
Quant aux abominations génocidaires perpétrées aussi par les Russes, les Chinois, les Indiens et quelques autres, pourquoi François les dénoncerait-il ? Ces peuples ne sont tout de même pas européens et les Européens – et leurs continuateurs américains – ne sont-ils pas finalement les seuls coupables de tous les maux de la Création ?